J'aurais préféré ne jamais voir cette partie de la vie. J'aurais préféré que tout s'arrête après son couronnement. Tout allait bien se passer m'avait-on dit. Et je le croyais. On m'avait dit cela dans la salle du trône, juste après qu'on aie déposé la couronne sur la tête de Lissa. Tout n'était pas rose, il y avait tant de choses à faire. Mais tout me faisait penser que cela ne serait pas aussi éprouvant. Les oiseaux volaient haut dans le ciel, tu savais ce que je ressentais. La Lune dans le ciel, tu savais ce que je ressentais. C'était une nouvelle aube, c'était un jour nouveau, une nouvelle vie pour moi... Je me sentais bien.

Jusqu'au jour où tout bascula à l'Académie. On me réveilla de force, on devait évacuer. Les Strigoïs, qui avaient réussi à s'organiser détruisaient tout, le Collège était en ruine et la Chapelle était tombée...les Humains. Je savais qu'on aurait dû s'en soucier plus tôt. Attirés par l'immortalité, un jour où l'autre cela devait arriver : ils les aideraient à briser nos barrières. Cela était déjà arrivé, quelques années auparavant, mais on n'en avait pas donné plus d'importance que cela. On se rendait durement compte qu'on aurait dû... Mais c'était bien trop tard. Cinq heures plus tard l'Académie était tombée, les Strigoïs se l'étaient appropriée, et les élèves et nous, on allait s'abriter à la Cour. On devait reconstruire une Académie, et cela prendrait du temps. Personne ne voulait rester sur un champ de bataille. Chaque pas dans les couloirs réveillait une ancienne blessure : une entaille dans le flanc gauche ou le souvenir d'un ami venu vous protéger puis mourir sous vos yeux. Un os brisé ou les yeux d'un Strigoï devant les vôtres, reflétant le faible fil de vie qu'il semblait vous rester. Une paralysie ou le soulagement morbide de voir la non-vie s'éteindre dans les yeux du Strigoï penché sur vous pour vous briser la nuque. Marcher avec le sentiment que quelqu'un manque, tu parcourais si souvent ce couloir avec des amis. Et puis tu le trouvais là, inerte, comme jeté sur un banc. Tu ne pourrais pas te rendre compte de l'état de notre Académie sans y être allé. Cela dépassait l'entendement, et je ne te souhaite pas de voir. Non, il était hors de question que les élèves étudient dans ces conditions. Et puis les Strigoïs seraient revenus la nuit suivante. Et c'était dans cette idée que nous partîmes. Et pour une fois, nous fîmes bien, ils revinrent la nuit suivante, et depuis, ils y sont resté. Tu sais...pour une fois, nous accordâmes le fait que nous avions peur.

Quelques mois plus tard, on prenait place dans notre nouvelle Académie. Nous étions nostalgiques de l'ancienne, mais tant pis. L'heure était trop grave pour les regrets. A l'Académie, nous, les adultes Dhampirs et certains Moroïs, avions mis en place une rébellion. On ne pouvait plus se cantonner aux seules mesures défensives qui nous étaient imposées. Tu dois sûrement connaître le proverbe disant que la meilleur de défense restait l'attaque... Oui je le pensais aussi jusqu'à ce que je prenne connaissance des mesures défensives. Nous devions prendre notre mal en patience et attendre que la situation se tasse en restant enfermés dans l'Académie. Nous avions déjà reculé l'âge du diplôme, qui était passé à vingt et un ans, mais nous ne pouvions pas attendre que cela passe en nous terrant dans l'Académie comme nous l'avait bien demandé sa Majesté. Nous allions donc faire "bande à part", un groupe de rébellion, un groupe de Dhampirs entraînés et motivés à changer la donne. Nous ne pouvions pas risquer de perde une deuxième Académie, de perde de nouveau la moitié de notre effectif restant. Ce fut donc indépendamment du Conseil et de sa Majesté la Reine Vasilisa Dragomir que nous formâmes ce groupe. Étonnamment, la Reine accueillit cette nouvelle normalement. Cependant, elle ne nous aiderait pas. On serait seuls. Elle enverrait peut être quelques Dhampirs pour quelques missions. Mais rien de plus. Au moins, elles nous laisserait tranquilles.

Tu sais, c'est comme ça qu'on vit notre vie ici : on chasse notre chasseur. Notre proie est celui qui nous considère comme sa proie. Et inversement, nous sommes les prédateurs de notre prédateur.